Appel à la fierté

Appel à la fierté aux femmes et aux hommes debout

Le gouvernement, avec les Contrats Nouvelle et Première Embauche (CNE & CPE), vient de réaliser un grand rêve des idolâtres du marché libre et non faussé,
Un grand pas en avant vers la « libéralisation » des conditions de travail,
Un grand retour vers des temps que nous pensions révolus : ceux de l’emploi journalier, de la sujétion quotidienne, de la précarité généralisée.
Est-il nécessaire de s’étendre sur le contenu des mesures en question ?
Si l’on veut savoir, on sait.
Cet appel s’adresse à toutes celles et ceux qui n’ont encore rien fait, indifférents, las, passionnés éreintés, occupés, vaincus, distraits, amoureux enchantés, débordés, démoralisés, sceptiques ou anciens combattants… il s’adresse aussi à tous ceux qui connaissent de telles personnes.
Cet appel s’adresse à tout le monde… sauf, sauf à ceux qui approuvent ces mesures, qui savent et acquiescent : il est un appel qui s’élève contre eux.
Cet appel s’adresse à toutes celles et ceux qui ne s’expriment pas, qui laissent à d’autres cette première forme d’action. Si vous n’en êtes pas, transmettez, renvoyez, diffusez.
Il s’adresse pour un rien, une parole publique, un appel privé, une pensée faite action, un mot, une vraie implication, un grand coup d’éclat ou un peu de temps passé sur une manifestation.
Il s’adresse à chacun et à tous, pour un tout, parce qu’agir est cette fois nécessaire.
Pour se battre, à chacun ses forces,
Mais ne pas capituler.
Pour ne pas subir, cette fois, sans lever la tête.
Il est temps. Avant qu’il ne file, trop loin, trop vite, à la retraite des regrets.
Si ce n’est pas parce que vous vient la nausée à voir brader ce que nos aînés ont conquis à la sueur et au sang, nos conditions de travail, nos droits,
Si ce n’est pas par colère de voir les riches et les puissants imposer la légalité de leur misérable volonté, de leur égoïsme étriqué,
Si ce n’est pas par dégoût de voir des mesures favorables à ceux qui vivent de notre travail présentées comme l’excellence du bien commun, prétendument incontournables et mondialisées,
Si ce n’est parce qu’à vos yeux l’égalité face aux conditions de travail devrait primer ; que nous devrions être aussi solidaires que le sont entre eux ceux qui veulent nous flexibiliser,
Si ce n’est parce que vous trouvez inique de prétexter la lutte contre le chômage quand il ne s’agit que de faire pencher la balance, davantage encore, en défaveur des salariés, cassant CDI et CDD…
Si ce n’est parce que vous ne concevez pas que l’on puisse revenir à des lois du travail dignes du XIXe siècle, salarié employé par courtes périodes, voûté, repris dans la même entreprise après avoir été licencié, courbé et docile. Flasque. Peut-être sentez-vous que pouvoir être licencié sans qu’aucun motif précis ne soit donné vous empêchera, au jour le jour, de poser les limites nécessaires face à ce que nous demandent les employeurs, peut-être serait-ce que vous entrevoyez l’extrême difficulté que nous aurons, pendant deux ans, à nous syndiquer, ou simplement à réussir à ne pas tout accepter sans être viré,
Si ce n’est, tout simplement, parce ce que vous ne trouvez pas juste que ce soit aux gens qui travaillent que l’on impose de nouvelles contraintes, de nouveaux efforts ; des efforts qui consistent à nous laisser dépouiller de nos principaux droits ; quand ceux qui vivent du capital et du patrimoine qu’ils possèdent, actionnaires et rentiers, gagnent et engrangent comme jamais, libres, tristement cupides et sales.
Si ce n’est que vous êtes révoltés de subir un État qui applique scrupuleusement les préceptes MEDEF, dont la présidente déclarait il y a peu, en guise d’éloge fétide du CNE : « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? ».
Si ce n’est parce que nous voyons tous que ce qui touche aujourd’hui les petites entreprises et les moins de 26 ans touchera demain tout le monde, généralisation des périodes d’essais de deux ans,
Si ce n’est pas cette logique triviale que vous voyez,
Si ce n’est pas pour le plaisir de vibrer en commun à construire d’autres futurs…
Si ce n’est…
Cet appel s’adresse à tous ceux qui n’ont encore rien fait, à tous ceux qui peuvent convaincre quelqu’un de faire, d’agir, de réagir. Il est fait pour un rien, pour un tout, pour que nous fassions tous ce que nous pouvons, et que soient retirées ces mesures. Et que nos “élites” commencent à avoir peur, à leur tour.
Cette fois, ce rien est un tout. Si nous ne faisons rien, plus tard, nous pleurerons. Sur nous, ou, plus idiots encore, sur d’autres, nés ou à naître.
Participez à des manifestations,
Engagez-vous, soutenez,
Dites ce que vous avez à dire,
Convainquez des amis, parents et collègues,
Syndiquez-vous,
Mettez du social dans vos créations,
Écoutez-vous au lieu d’écouter ceux qui vous appellent - déjà - à voter, transmettez ce message, tel quel ou modifié, pourvu que l’esprit demeure, Imaginez !
Un rien, contre un tout.
Et s’il ne devait rester qu’une unique raison, faites quelque chose pour ce qui fait de vous des hommes et des femmes, bougez-vous par fierté.
Lever la tête quand, objectivement, nous sommes méprisés.
Ne les laissons pas faire.
Par fierté.



Leo S. Ross
28 02 2006