Bon sens

Le Journal du dimanche du 19 juin 2016 demande au Premier ministre :
« Vous envisagez d’interdire les défilés. Les manifestations de jeudi seront-elles autorisées ? »
Manuel Valls répond :
« Compte tenu de la situation, des violences qui ont eu lieu, de l’attentat odieux contre le couple de policiers, mais aussi de la tenue de l’Euro, les organisateurs devraient annuler eux-mêmes ces rassemblements. C’est du bon sens ! »
À la fin de l’interview, il conclut que le gouvernement est prêt à « prendre ses responsabilités », c’est-à-dire à interdire les manifestations.
Pour une fois, passons sur ce nouveau spasme d’autoritarisme du caporal Valls.
Lorsque quelqu’un fait appel au « bon sens », c’est qu’il manque d’arguments. Le « bon sens », c’est l’argument universel. Mieux, le « bon » embarque une dimension morale. Or s’il est question de morale, de bien et de mal, il est question d’autorité, de domination (à l’inverse des critères éthiques « juste » et « injuste »). Ainsi, la bonne évidence, « le bon sens », est toujours l’expression de l’idéologie dominante.
Faire appel au bon sens n’est donc pas anodin : cela marque un appel à l’autorité, et sonne comme sa légitimation lorsque celui qui l’invoque détient le pouvoir.
Mais faire appel à l’argument d’évidence est aussi le signe d’une pensée pauvre, aride. Le « bon sens » est l’eurêka du sot.
Enfin, invoquer le « bon sens » peut aussi être le signe d’un franc mépris de l’interlocuteur ou de l’auditoire. C’est évident, ducon.
Dans le cas du Premier ministre, je pense qu’il y a un peu de tout ça : absence d’arguments qui tienne (mélanger le terrorisme, le foot et les « violences » pendant les manifs est quand même très rigolo), conviction de détenir la seule pensée légitime, simple bêtise et pur mépris.
Si je devais choisir la dimension prépondérante, je pencherais pour la limitation intellectuelle. Il nous prend pour des cons, certes. Mais en fait, autant qu’il l’est.



Leo S. Ross
06 06 2016