Littérature banale

De Michel Houellebecq, j’ai lu deux ou trois bouquins. Et des poèmes. Et j’ai toujours trouvé ça ni vraiment mauvais, ni vraiment bon. Et ce constat m’a toujours plongé dans des abîmes de perplexité : comment se fait-il que tant de Français, y compris des sommités du monde des lettres, admirent sa littérature ? Alors que je la trouve quelconque. Je ne parle pas de ses provocations, de ses thèses. Je parle de son style. De sa façon d’écrire, de raconter des histoires et de faire vivre des personnages. De son style. Alors je me suis infligé quatre heures de podcast de France Culture. Quatre heures sur Houellebecq, par les spécialistes de son œuvre (universitaires, critiques, éditeurs, etc.).
https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/michel-houellebecq-14-la-constellation-houellebecq
https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/michel-houellebecq-24-le-triomphe-de-la-solitude
https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/michel-houellebecq-34-houellebecq-un-maitre-de-loxymore
https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/michel-houellebecq-44-le-poete-qui-marche-dans-la-ville
Je me disais : les meilleurs exégètes de l’auteur vont peut-être réussir à me faire voir ce que je n’ai jamais vu, à me convaincre que je n’avais simplement pas décelé ce qu’il fallait voir. Je me disais : en courant, sur deux semaines, quatre heures, les écouteurs dans les oreilles, ça passe. Et je réviserai peut-être mon point de vue. La littérature peut tout.
Mais non. Quatre heures de bavardages où je n’ai rien appris sur l’hypothétique éclat de son style ou de sa narration. C’est un romantique, dit sa meilleure spécialiste, un romantique « dont les personnages tuent tout romantisme ». L’absurde ouvrait le bal. Et la salle des festivités s’annonçait aussi floue que la pensée de Houellebecq. Lorsque j’entends de bons critiques parler de bons auteurs, ça envoie. Je comprends mieux les recours de styles qui n’avaient que produit leurs effets à la lecture, sans dévoiler leur construction. Là, rien. Ou des bêtises du genre : « sa grande force est qu’il n’a pas peur des clichés ». Pire, un jeune architecte assène : « Il s’était installé dans le 13e arrondissement, ce qui étonne pour quelqu’un de sa trempe ». Voilà bien la snob superficialité d’un flatteur. Je ressors de ces quatre heures vides avec une conviction renforcée : la littérature de Houellebecq est assez banale ; pas franchement médiocre, mais certainement pas brillante. Et son succès ne relève pas de son style, mais parle de notre époque. Finalement, question style, son roman Plateforme portait bien son titre. Au détour de la diffusion d’une interview, on entend Houellebecq confier que choquer le bourgeois est bien un plan de carrière. Alors j’ai compris. La sarabande d’éditeurs, de critiques et d’universitaires qui louent Houellebecq, eux aussi bossent à leur carrière. Simplement. C’est qu’il vend le zouave. Alors, parlons-en. Créons la légitimité du métier. Ça rapporte.
Dernier espoir, sa poésie. Mais là encore, vide. On apprend qu’elle n’est aimée ni de ceux qui apprécient la versification classique ni de ceux qui aiment la poésie contemporaine. Et comme les premiers et les seconds, je ne lui trouve rien de particulièrement brillant.
Quant à l’émission « La compagnie des auteurs », n’inviter que des fans (plus ou moins transis), et pas un contradicteur, n’a fait qu’augmenter l’effet de création artificielle d’un produit littéraire.
J’en reste donc à mon avis : c’est un écrivain qui ne marquera pas l’histoire de la littérature, ni par son style ni par ses idées. Que l’époque en fasse une tête de gondole reste le plus déroutant. Mais enfin, relativisions, aussi. Il est bien, là, aux côtés d’Eric Zemmour et de Valérie Trierweiler.



Leo S. Ross
28 08 2017