Charlie

Honte aux humains. Aucune bête, aucun monstre des abysses, aucune araignée mortelle ne tue comme les barbares viennent de le faire à Charlie Hebdo. Aucun combattant ayant une once d’honneur n’abat des dessinateurs, des journalistes, de simples travailleurs ou clients d’une épicerie. Rien, jamais, ne peut le justifier. Ni avec des kalachnikovs, ni avec des drones, ni avec rien.
Depuis des années, la ligne éditoriale de Charlie et ses positions de gauche capitulée, nous avaient éloignés. Mais ses dessins mordants continuaient à me faire rire, et son joyeux anticléricalisme me plaisait toujours. Depuis hier, ma peine et immense pour leur mort, et ma tendresse va à leurs proches, à leurs familles, à leurs amis. À nous tous.
Les fascismes se lèvent en notre pays, et ces lâches et couards assassins en sont. Ils viennent d’ouvrir un nouveau boulevard aux autres, les nationaux du front de la haine. Le capitalisme, lui, se porte au mieux et continue de commercer avec des pays du Moyen-Orient qui financent les islamistes. Et bientôt des digues céderont et le racisme s’étendra un peu plus. Et bientôt vont se lever les appels aux lois sécuritaires qui boufferont nos libertés comme Charlie bouffe du curé. Alors à l’unité nationale, celle qui porte en ses rangs les salauds qui jouent les peurs, la xénophobie et l’injustice, je ne me joins pas. J’étais à République le 7 janvier, jour de l’attaque, et c’est à l’unité du peuple que je vibre.
Je suis Charlie et j’emmerde toutes les religions Je pleure et je serre les poings. Les temps à venir s’obscurcissent de fascistes, de religions idiotes et malfaisantes, d’austérité dont profitent les actionnaires et d’idées molles et réactionnaires qui ont pris le pouvoir et gangrènent la gauche républicaine. Il nous en faudra beaucoup des poings. L’indignation ne suffira pas.
En voulant tuer Charlie, ils ont voulu tuer la liberté d’expression et imposer leurs délires mystiques. Alors la meilleure façon de prendre la relève est d’affirmer notre droit au blasphème. Qu’il soit donc dit que j’insulte tous les prophètes et toutes les divinités de toutes les religions, leurs animaux de compagnie et leurs géniteurs sur mille générations. Intolérants de tous poils, croyez si vous voulez que le diable m’habite et qu’il s’y sent bien ! Sans doute mieux que chez vous, où c’est tout vide, sans femmes libres de leurs corps, sans musique, sciences, vins et cerfs-volants, sans cochons ni sorcières.
Tiède ou virulent, quiconque justifie ce qu’ont fait ces assassins est mon ennemi.
Quand se lève la tempête, il faut amarrer ce qui chancelle, tenir nos lignes et monter sur le pont. Une main pour le navire, une main pour le marin. Retour aux bases.
Alors, rappelons que la violence et l’obscurantisme sont fils de l’injustice économique, de l’exploitation et des inégalités. Que ce qui nous fait humains est de refuser la loi du plus fort.
Réaffirmons que celui qui veut croire doit être absolument libre de croire. Mais aussi que la laïcité consensuelle, forme tiède d’athéisme institutionnel, ne suffira pas. Des fascistes islamistes tirent dessus, tandis que des fascistes nationaux l’instrumentalisent pour stigmatiser les musulmans.
Je suis Charlie et j’emmerde toutes les religions En humaniste partageux, j’affirme : les religions sont néfastes, le capitalisme est la plaie de notre temps. Et jamais on ne peut tuer des gens pour ce qu’ils disent, dessinent, ou parce qu’ils font leurs courses dans une épicerie juive.
Je pleure, je serre les poings et de joyeux spectres héroïques, modestes et d’un courage hors norme, se lèvent en nos mémoires.
Souvenons-nous, dessinent-ils, d’un vieux principe qui n’a pas de frontières, qui ne pactise avec aucun oppresseur ni aucune barbarie, un vieux principe universel que tous ceux qui souffrent des indignations sélectives peuvent tenir en leur poitrine, un vieux principe éthique qui pourrait retrouver ses couleurs sociales : ni dieu, ni maître.



Leo S. Ross
08 01 2015