Grève au menu du Wepler

Je passe régulièrement prendre un café au Wepler, Place de Clichy. C’est une grande et prestigieuse brasserie que j’ai l’impression de connaître depuis toujours : mes grands-parents y allaient lorsqu’ils venaient à Paris, il y a des dizaines d’années. Je suis sûr que son allure imposante, ses grandes couleurs rouge en impressionnent beaucoup. Pourtant, le matin, café et petit déjeuner sont à des prix raisonnables. Les serveurs et les serveuses sont toujours d’un grand professionnalisme, et, surtout, très gentils et attentionnés. À l’ancienne. Le soir, nous y allons parfois avec ma compagne, pour les grandes occasions, anniversaires, fêtes. Mais les prix sont alors très élevés.
Vendredi 4 février 2022, alors que je passais à proximité, je vois de loin des chasubles rouges, siglées CGT, qui font une ligne devant la brasserie. Iels distribuent des tracts, il y a une caisse de solidarité, de la musique et iels entonnent régulièrement des on lâche rien ! C’est un piquet de grève. Je salue serveurs, serveuses, chefs de rangs, maîtres d’hôtel et même un responsable que je reconnais immédiatement. Certains sont d’une humanité que j’ai rarement croisée dans les grands bars ou restaurants ; en vérité, lorsque je vais au Wepler, c’est pour eux plus que pour la brasserie.
Depuis vendredi, iels sont en grève.
La direction, le groupe Gérard Joulie – qui possède une quinzaine de restaurants et brasseries –, les harcèle, leur refuse toute augmentation, ne leur verse pas des arriérés auxquels la justice les a pourtant condamnés, intente des procédures de licenciement, fait travailler de jeunes stagiaires non payés en cuisine… Gérard Joulie fait partie des 500 plus grandes fortunes de France. Cette fortune, il l’amasse donc aussi en volant ce qui leur est dû aux employé·e·s qui travaillent dans ses restaurants, le salaire de leur travail. L’homme parmi les plus fortunés de France rechigne à payer correctement ses serveurs ? Oui, et c’est ainsi que l’on entre dans ce club des 500.

Grève au menu du Wepler
Avec leur syndicat, les salarié·e·s ont donc lancé l’offensive. Un arrêt de la Cour de cassation a condamné le groupe à leur verser des arriérés de 15 à 25 mille euros par tête. Rien ne peut obliger les employés à signer un avenant à leur contrat de travail que le groupe veut leur imposer. La procédure de licenciement contre l’une d’entre elles – pour des motifs fallacieux et calomnieux – a toutes les chances d’être cassée par les Prud’hommes, dans quelques mois. Le droit, cette fois, est du côté des travailleurs. La morale aussi. Iels ont raison de se défendre, de partir en conquête contre un patron dont les revenus sont si indécents, gagnés sur le travail des seules personnes indispensables : celles et ceux qui cuisinent et servent les clients. Sans les travailleurs, ce patron ne serait rien, l’inverse n’étant pas vrai.
Les revendications des grévistes sont : l’arrêt d’une procédure de licenciement récemment entamée ; des augmentations de salaire pour tous les employé·e·s ; la mise en place d’un cahier de tronc pour les salariés payés au pourcentage (permettant de connaître le chiffre d’affaire d’une journée, et donc de calculer ce pourcentage) ; des engagements d’évolution de carrière ; l’application de l’indemnité compensatrice, conformément à la convention collective ; une compensation de 50 euros pour le blanchissage des tenues et l’achat des tenues par l’employeur.
Également, les grévistes demandent à ce que la direction cesse toute intimidation pour leur imposer la signature d’un avenant défavorable ; que les changements de planning respectent un délai de prévenance, que toutes les heures supplémentaires soient payées.
En somme, les salariés ne demandent que l’application de la loi et des augmentations. Le patron, probablement l’un des prétendus premiers de cordée de Macron, a un point faible. Ce n’est pas lui qui travaille. Les grévistes du Wepler, qui ne veulent que leur droit et leur dignité, l’ont bien compris.
Pour qu’ils tiennent et gagnent, passez les soutenir.
La direction du Wepler a un autre point faible : le prestige du Wepler est en partie celui d’un nom. Et un nom, cela souffre de mauvaise publicité.
Annoncez donc autour de vous que le groupe Joulie et la direction du Wepler se comportent comme des délinquants, exploitent et paient mal leurs salarié·e·s. Faites-le savoir et la pression augmentera.
En les voyant en grève, en rouge devant la grande brasserie rouge, cela me fit d’abord de la peine. J’avais peut-être naïvement imaginé qu’une telle enseigne traitait plutôt bien les gens qui y travaillent. Puis, très vite, me vint un intense sentiment de solidarité. Ils et elles ne sont pas seul·e·s. Partout en France, alors que nous sortons doucement de la pandémie, des grèves et des piquets fleurissent. Il semble bien qu’au Wepler comme ailleurs, beaucoup de Français ne comptent pas se laisser faire.
Allez soutenir les grévistes du Wepler, parlez de la grève au Wepler autour de vous et en ligne, #Wepler #Engrève.
Grève au menu du Wepler



Leo S. Ross
06 02 2022