Les passagers de la nuit
Un film de Mikhaël Hers
Je choisis le cinéma, la séance. Sûr de faire plaisir à ma compagne – Charlotte Gainsbourg à l’affiche, elle kiffe – mon choix s’arrête sur “Les passagers de la nuit”, de Mikhaël Hers. Je ne sais presque rien du film, seulement qu’il s’agit d’une femme que son mari vient de quitter, de la vie avec ses deux grands adolescents, d’une émission de radio nocturne et que ça se passe au début des années 80. Lorsque nous nous installons dans la salle, une angoisse m’étreint : je vais passer près de deux heures avec une actrice qui chuchote, semble souvent déprimée, je vais subir une histoire glauque ou triste, ou les deux, dans un décor d’une époque dont je n’aime presque rien, les années 80, ses vêtements moches, sa mauvaise musique, son étouffante odeur de tabac, ses faux espoirs politiques… Il n’y a guère que mes souvenirs de jeunesse qui y valent quelque chose. Mais ma compagne à l’air contente, alors je suis bien ; et je m’apprête à somnoler discrètement, sans ronfler si possible.
Mais, très vite… le film est merveilleux. Effectivement, une mère se retrouve seule avec ses deux adolescents, doit trouver un travail, en trouve à la radio, la nuit.
Elle recueille une troisième jeune, les jeunes découvrent l’amour, la mère le redécouvre, et tous ces gens sont bien ancrés dans l’amour. Pourtant, rien n’est passé sous silence des duretés de la vie, amours déçus, abandons, départ des enfants, maladie sacrificielle et difficultés économiques. Mais le film agit comme une douceur vitale, sans un souffle de pathos. On aimerait que la vie soit toujours comme ça.
Le film est très bien écrit, sans mots d’auteur ou dissonance narrative, superbement filmé – le travail du chef opérateur qui réussit à se caler sur les vidéos des années 80 est simplement prodigieux. Mais je doute que le film eût aussi bien marché sans l’excellence de ses actrices et acteurs. En particulier, le quatuor de femmes est magistral. Emmanuelle Béart en animatrice radio de la nuit, Megan Northam la fille qui découvre la politique, Noée Abita la jeune fille perdue que réveille la mère, Charlotte Gainsbourg, femme forte à l’empathie lumineuse. Pour la première fois depuis longtemps, l’écran me tire des larmes. À deux, là, nous étions un amour ébloui.
Les passagers de la nuit
Réalisation : Mikhaël Hers
Scénario : Maud Ameline, Mikhaël Hers
Acteurs principaux : Emmanuelle Béart, Charlotte Gainsbourg, Quito Rayon Richter, Noée Abita, Ophélia Kolb, Thibault Vinçon
111 minutes
2022