Tristesse de la terre

Un livre d’Eric Vuillard

Au rythme de la vie de Buffalo Bill, une excavation aux sources du spectacle moderne. Buffalo Bill Cody, qui se fit connaître comme tueur d’Indiens et de bisons créa ensuite le Wild West Show, spectacle qui fit le tour du monde, « la plus grande mystification de tous les temps ».
Vuillard, armé de son verbe poétique et spacieux parcourt cet homme avec un respect que ce dernier n’a pas eu pour les plaines d’Amérique. Tristesse de la terreNi pour les Amérindiens vaincus et humiliés, clé de voûte du spectacle qui a participé à installer dans l’imaginaire mondial le mythe de l’Ouest sauvage. Mais Buffalo Bill, « sentimental et obscène », transforme tout ce qu’il touche, tout ce qu’il fait en carton-pâte. Jusqu’à sa propre vieillesse dont la “dignité de camelote” finit par toucher.
L’écriture est belle – je retrouve celle de Conquistadors – et il fallait bien un tel style pour évoquer l’un des actes fondateurs des États-Unis : non pas la conquête du Far West, mais le spectacle qui en est né alors qu’elle n’était pas encore achevée. Il faut du style pour intéresser à ce qui ne fut qu’un grand mensonge. Mythe et mensonge, sources du spectacle. Voix des vainqueurs, comme celle qui fit de Wounded Knee une bataille alors que ce ne fut que le massacre de plus de trois-cents Lakotas, à la mitrailleuse, hommes femmes et enfants, par le 7e régiment de cavalerie.
Malgré ma lassitude des biographies – notre époque a-t-elle définitivement renoncé à la fiction ? – j’aime Vuillard* pour son écriture, son style, mais aussi parce qu’il est de ceux qui choisissent l’épique, qui s’aventurent ailleurs qu’en nos petits cerveaux vaniteux.


Tristesse de la terre – Une histoire de Buffalo Bill Cody
Eric Vuillard
Actes Sud, 158 p.
2014

* Que mon ami S. soit remercié pour me l’avoir fait découvrir.



Leo S. Ross
10 05 2015